Le TOR des Géants en chiffres.
- 330 km (200 miles) de sentiers alpins en une seule étape
- Une altitude variant de 300 à 3.300 mètres
- 25 cols au dessus de 2.000 mètres
- 24.000 mètres de dénivelé positif
- 2 parcs naturels traversés
- 34 communes engagées
- 7 bases d'accueils
- 43 ravitaillements
- 1200 bénévoles
- 30 lacs alpins
- Une altitude variant de 300 à 3.300 mètres
- 25 cols au dessus de 2.000 mètres
- 24.000 mètres de dénivelé positif
- 2 parcs naturels traversés
- 34 communes engagées
- 7 bases d'accueils
- 43 ravitaillements
- 1200 bénévoles
- 30 lacs alpins
C'est sur des courses plus courtes, 50 à 55 km maximums que je m'amuse le mieux. Six ou sept heures d'effort. Une bonne intensité. Je me suis toujours dit que l'UTMB est trop long pour moi. Partir pour une course de plus de 30h00 ne m'attire pas beaucoup.
J'ai pourtant tenté le même genre de parcours au Grand Raid Des Pyrénées en 2008. Abandon à mi parcours pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas ici. Mais bien ici...
Pourquoi m'inscrire au Tor? Après un hiver plus qu'apathique au niveau sportif, j’ai eu envie de m’inscrire à un gros truc pour me refaire la caisse.
Entraînement donc. Passage obligé. Appel à Alain Roche qui m'a déjà coaché sur les épreuves de Ski Alpinisme. Le gros avantage de suivre ses plannings est d'arriver à un certain volume d'entrainement sans se griller. Chose qui m'était arrivée en 2007, alors que j'ai préparé seul les Championnats d'Europe de Ski Alpinisme à Morzine-Avoriaz. Epuisement...
Structure des entraînements.
Avec Alain, nous fixons un objectif principal: le TOR, et quelques objectifs secondaires : Tour des Glaciers de la Vanoise et Tour de la Grande Casse. Deux courses parfaites pour moi, le départ se situant à Pralognan la Vanoise, vallée à côté de celle de Méribel.
Nous fonctionnons par cycles : Macro (1 mois) et Micro (une semaine). Le but est d’arriver à un pic de forme au moment de la course. En général tout le planning de travail est basé sur des fréquences cardiaques mesurées grâce à un test à l'effort. Ce test à l'effort donne différents seuils et par conséquent différentes allures/fréquences de travail/course.
En course et sur le genre d'épreuve comme le TOR, ces données ne servent à rien… Elles ne servent qu'à l'entrainement.
Les valeurs obtenues sont propres à chacun. Elles ne sont ni bonnes, ni mauvaises. Elles sont. Le but étant de les connaître de manière à pouvoir travailler sa propre résistance au seuil. Tout le monde ne naît pas avec les mêmes capacités. Que ce soit intellectuelles ou physiques. Par contre, tout le monde peut bosser sur base de ces critères. Et les résultats sont surprenants. Je dirai plus de 30% d'amélioration des performances. Pas en partant de zéro, mais en partant d'un niveau ou le sport représente déjà quelque chose dans sa vie.
Cet entrainement fonctionne bien. Il a deux gros avantages:
- Il m'apporte de la structure et donc de la rigueur, là où j'en manque
- Il m'oblige à sortir, seul même les jours ou je n'ai pas envie d'y aller
Pas facile de s'entraîner seul. Difficile de trouver des copains d'entrainement qui ont soit le même niveau, soit les mêmes horaires. Je préfère donc sortir seul en fonction du planning d'entraînement.
Ok, ce n'est pas super passionnant et ça paraît rigoureux. Ça l'est. Tout le monde n'est pas obligé de suivre ce genre de canevas pour participer à des courses d'endurance. Par contre, tout le monde est obligé de s’entraîner. A chacun de choisir la méthode qui lui convient. Pour le Tor, je n'avais que 3 mois entre la décision de participer à l'épreuve et le jour de départ de la course. Autrement dit, c'est très court. Voire trop court connaissant l'état physique dans lequel je suis sorti de la saison d'hiver : rincé, incapable de grimper 1000m de D+ d'un coup. Alors 24.000m en une semaine dans 3 mois, ça peut donner des cauchemars.
Période de préparation du TOR
Avec beaucoup moins de rigueur qu'à l'époque du ski alpinisme, j’ai essayé de me tenir aux plannings. A mon avis je dois avoir fait 80% du programme. Le sport n'était plus au centre de ma vie comme à l'époque. Plus serein, moins stressé quand je rate une séance. Pour suivre ce genre de planning, il faut une vraie organisation de vie qui tourne autour de l'entraînement. Même si les séances en elle-même sont relativement « courtes » (3h00 max) il faut beaucoup de préparation pour que tout roule. Bêtement, ça va du simple fait d'avoir le bon t-shirt pour les conditions atmosphériques à la ceinture cardio oubliée à l'appart alors qu'on a prévu de partir du boulot...
Bref, content de l'entraînement. J'aurai pu en faire plus. J'en reparlerai.
Au niveau de la diététique pré-compet, je me suis tenu aux recommandations d'Alain Roche. Avec plus de laxité également mais en gros les grandes lignes ont été tenues. Grosse exception : l'alcool. J'avais décidé de ne pas faire une croix sur les apéros ou sur un bon verre à table. Pas envie de m'isoler socialement comme je l'ai déjà fait: si l'apéro dévie vers une fête, pas question que je dise à Carole, « je rentre, j'ai entraînement demain ». Déjà donné, c'est pour déprimer.
La semaine avant le TOR.
Respect du planning nourriture. Impec.
Alain propose sur son site toute une série de recettes maison pour zapper les produits du commerce qui présentent deux défauts principaux : Le prix et la digestibilité (pas toujours très clair ce qu'ils mettent dans leurs barres énergétiques.)
Pour le TOR, j'ai préparé :
- Un cake énergétique maison
- Des pâtes d'amandes (avec spiruline et sésame / et sans pour alterner)
- De la poudre pour boisson longue durée
- De la poudre pour boisson repas
Le tout est conditionné dans des sachets type congélation Ziploc avec la dose nécessaire pour chaque ravitaillement. Ça donne pas mal de préparation, imaginez qu'il y a une quarantaine de ravitos prévus tout au long de la course.
La Veille
Arrivée à Courmayeur le vendredi soit 2 jours avant l'épreuve au compte goûte. Isa (Coureuse Céleste devant l’éternel) nous a réservé nos places au Rifugio Monte-Bianco (Val Veny), magnifique camp de base. Ils nous permettent non seulement de garder nos sacs pendant la durée du TOR, mais également de revenir quand ça nous arrange.
Samedi nous irons saluer Luka qui part avec 24h00 d'avance, seul avec son sachet plastique à la main (véridique). Ambiance Céleste qui s'installe à Courmayeur.
Les gens se demandent qui nous sommes, et ce que nous faisons là ? « Ho rien, petit jogging entre amis demain ! »
Retrait des dossards et préparation des sacs le samedi. Tout est tip top. Impressionnant. Ça sent le professionnalisme et enlève les deux ou trois doutes que nous avions suite au site internet qui n'était pas très vivant les semaines avant la course. Enormément de bénévoles à tous les postes.
Nous recevons comme cadeau de bienvenue un joli sac (qui nous suivra de base en base) de chez Grivel, sponsor de l'épreuve.
Préparation des sacs sur la terrasse du Refuge. Bonne ambiance au soleil, mais déjà le stress est palpable : « Tu prends combien de vestes ? » « Qui a des piles pour moi ? ». Classique comme ambiance, mais on sent qu'on ne part pas pour une course ordinaire.
Je suis plutôt serein. J'ai pas mal stressé la semaine précédente et tout mon barda est prêt. Je n'ai qu'à transférer mes affaires dans le sac qui me suivra tout au long de la course : encore une jolie performance de l'organisation. Sachant le délai entre le premier et le dernier, faire suivre les sacs d'un ravito à l'autre et donc d'une vallée à une autre n'est pas une mince affaire au niveau logistique.
Fin prêt, Yvan nous rejoins pour le souper et une dernière nuit confortable. Sapin arrive comme d’hab’ à l’arrache après un direct Paris Courmayer avec escale à Millau !
Début de la course
Les 330 km ont été divisés en 7 sections. Chacune peut être considérée comme un trail à part entier. En général plus de 40km et plus de 3000m de D+. Nous avons 6,5 jours pour faire les 7 étapes. J'ai fini en 5,5 jours. Bonjour le dénivelé quotidien !
En tête de chaque chapitre vous trouverez les détails techniques de la section à parcourir ainsi que mes temps de passage (IN = entrée au ravito en nombre d'heure depuis le départ. OUT = sortie du ravito) aux différents ravitaillements et les temps complets de l'étape et de repos. Ça donne une bonne idée de la longueur de l’épreuve une fois les 7 sections compilées…
Un mois avant la course je me suis fait un tour de rein. Conséquences : abandon au Tour de la Grande Casse à mi-parcours et 2 séances d'ostéo obligatoires et plusieurs de kiné.
A priori soigné mais vraiment stressé et gros mal dans la nuque. Je pars donc avec peu d’ambition. On verra en route.
ETAPE 1 Mise en bouche : directement dans le raide. D'entrée +1388m sur 8km. Et pan dans les dents !
Au départ, sous l'Arche TOR des Géants 2010, personne ne fait le malin. Bonne humeur, mais tension au rendez-vous. Grosse émotion au départ. Musique de circonstance (Hells Bells) et speaker qui met le feu. C'est parti, mais on ne sait pas trop pour quoi, ni pour combien de temps ! 110, 120, 150 heures ????
Callé le cardio à 146. Impec. Bonne allure à la 1ère montée, descente en douceur. Plus compliqué à partir de la deuxième difficulté. Impossible de garder le cardio en dessous de 150 pulse. Avec Sapin qui a eu les mêmes sensations, nous avons fini par couper les cardios, un peu ridicule de se trainer en montagne avec un bip bip permanent…
De plus, et de manière très étonnante, je passe une très mauvaise journée : je ne digère pas grand-chose, je passe mal l'altitude… je ne comprends pas trop ce que je fous là ??? Bref, arrivée au 1er ravito le soir (déjà 48 km et 4000 +) je suis crevé, une seule envie : dormir et/ou abandonner. Cédric décide de continuer, moi de me reposer. Il a l'air beaucoup plus motivé, en mode « compet' de sa vie »… Moi, je suis HS. Je dors (mal) 2h00, et tente de me motiver pour repartir.
ETAPE 2 Où il faut repartir de nuit sous la pluie avec le bide en vrac !
Je repars, mais pas grand-chose ne tourne comme je l'avais prévu. Pas le goût comme on dit. Deux constats: pas moyen de manger et aucune motivation. Je pars quand même.
Ok, qu'est-ce qui ne va pas ?
Premier constat: La bouffe. J'ai toujours peur de manquer de tout en course, je me suis trop gavé, en respectant les horaires et conseils, mais trop tout de même. Le cake ne passe pas du tout. C'est la deuxième fois que ça m'arrive (dernière fois au TGV). J'abandonne le Cake. La boisson repas que j'avais pourtant essayée me dégoute. J'abandonne itu. La bouffe, c'est réglé. Les ravitos prévus par l’organisation sont parfaits:
- Intermédiaire (3 ou 4 par jours) bouillon, viande séchée, pain, Tuc, bananes, chocolat, je zappe le fromage (mauvaise digestion)
- Base vie : bouillon + pâtes (nature ou tomate)
Je garde mes barres d’amande en complément.
Au niveau de l’hydratation je tourne avec les poudres, soit maison, soit hydrixir + malto. La montre sonne toutes les 10 minutes : 2 gorgées. Impec. Je garderai ce rythme pendant 6 jours. Très bien passé. Un peu plus diluée pour le jour, plus concentrée la nuit. Rien de très précis vu que je rajoute à chaque fois de la poudre dans mon Camel au feeling.
Deuxième gros constat : je m'emmerde ! Qu'est-ce que je fous là ? Je vais de ravitos en me disant encore un puis je me casse. Je récupère Carole et on va en Corse, ou à la mer quelque part. Ras le bol de la montagne. Je m'en rends de plus en plus compte. Je réalise enfin ce qui c'est passé cet été pendant l'entrainement. Trop de montagne. Trop d'entrainement seul. Plus le goût. Sapin est loin devant avec une grosse patate alors qu'il s'en entrainé à Paris. Je n'ai pas peur du dénivelé mais bien de la longueur; je m'emmerde. Trop lent, pas assez rythmé, peur d'accélérer pour ne pas me cramer. C'est décidé, je repars sur des épreuves de 8 heures grand max. Je me rappelle m'être toujours dit que l'UTMB n'est pas une course pour moi car trop longue. Ici, je me suis inscrit pour suivre Cédric et pour me mettre un pied au cul après l'apathie sportive de l'hiver.
De plus il pleut. Rien de bien grave en vallée, par contre le passage des cols risque de s'avérer foireux sous la neige... Au final je n'aurai que la pluie. Cédric qui a rattrapé Yvan a passé quelques cols sous la neige.
Vu que je n'ai pas la grosse forme, je décide de me couvrir : chaussures Gore-tex avec mini guêtres, sur-pantalon et Paclite sur le dos. A priori bon choix, j'ai passé l'étape au sec et n'ai pas chopé la crève.
J'ai rejoins Luc pour passer le Col le plus haut de ce TOR : le Col Loson (3299m). On en chie, pas grosse patate, les descentes sont interminables. Seuls les paysages nous enchantent et le beau temps est revenu.
ETAPE 3 Ça commence à aller mieux...
Deuxième camp de base : Cogne. Carole est la. Courte pose: 1h30. Il fait encore jour j’en profite pour repartir malgré mes envies de tout arrêter.
Puis tout commence à se mettre en route. Je n'ai plus mal au dos. Effort un peu plus soutenu, les kilomètres défilent, l'alimentation passe bien.
Tout va bien!
Je continue sur le même mode de fonctionnement : boire, ravito, boire, sieste, boire... Je remonte pas mal de place. Plus besoin de ceinture cardio : je varie entre 110 et 130 pulses avec de bonnes moyennes ascensionnelle. Je reviens à 5/6 heures de Cédric (qui vient probablement de dormir un peu). Il commence à souffrir de tendinite. Je n'ai aucune douleur, et me dis que c'est l'entraînement qui paie.
ETAPE 4 L'étape de "montagne": 53km et 5000 d+ Qui dit mieux ?
Je me sens de mieux en mieux. Les kilomètres s'enchaînent ainsi que le dénivelé et les paysage sont toujours aussi beau. Nous avons eu, à part lors de la première nuit une météo exceptionnelle. Beau en permanence. Pas trop chaud. Pas trop de vent en altitude.
Ensuite, grosse erreur de débutant, j'ai pris la tête d'un petit groupe à la tombée de la nuit et fait la trace dans de longs pierriers. Personne ne me relaie. Je fais semblant de refaire mes lacets pour les laisser passer. Personne ne passe. J'accélère et sens le début d'une douleur au quadri. Trop tard : contracture. Je finis l'étape mais sens bien que c'est foutu. Revenu dans les 50, bonne sensation. Pas besoin de dormir beaucoup. Qu'est-ce que je fais ? Il reste 3 étapes, j'ai un quadri en vrac. Une simple contracture, mais plus moyen de courir. Le corps dit stop. Je n'ai même pas pensé abandonner à ce moment la. Moins qu'au début. Déjà trop fait que pour arrêter. Un médecin me fait un tape (qui ne sert à rien. Mais bon, ça rassure) et c'est reparti.
ETAPE 5 Blessé mais on continue.
Option tactique : vu avec Wouter au vue des longueurs des étapes, je choisis de passer un minimum de temps dehors la nuit. Pour moi c'est le plus dur : le froid, la solitude... Je pars à 4h00 du matin pour arriver à 20h00. Seules les heures entre la fin de la nuit et 9h00 du matin sont vraiment longues; C’est un des enseignements de cette épreuve.
C’est reparti pour l'interminable. C'était déjà long comme ça, mais là sans frein à gauche à la descente et sans propulsion à la montée, c'est parti pour une longue marche allure CAF... entre 16 et 20 heures par étape. Je perds 15 à 20 places par jour. Beurk. Là, c'est clairement l'ennui qui s'installe. Long, long... long. Alors je me balade. Plus besoin de parler de cardio : je tourne entre 85 et 110 pulse mais continue à m'alimenter correctement. Je sais que c'est la seule solution pour aller au bout. Après une étape sur une jambe, de part la position (pointe du pied pour ne pas positionner le quadri en hyper tension) c'est une tendinite qui commence à me faire souffrir au tendon d'Achille.
C'est assez étonnant mais je prends vraiment du plaisir à être là. Je souffre à la descente, chaudes larmes, mais je sais que je peux aller au bout. J'ai vu des mecs abandonner avec des pieds dans un tel état que je me dis que j'ai de la chance de pouvoir encore mettre un pied devant l'autre. Je marche plus de 90% du temps tout seul. N'étant plus dans mon groupe de force, même sur une jambe, je monte plus vite. Par contre à la descente, je vois tous les concurrents qui essaie de me remonter le moral, s'éloigner inexorablement. Pas grave, je continue.
ETAPE 6 Une de plus, une de moins.
Durée étape 6: 18h06’50’’
Une belle étape. Courte sur le papier, longue sur le terrain. Isa me rejoint pour la montée du dernier cl de la journée (Col Brison 2508m) que nous passerons ensembles. Je la perds à la descente. Normal je n’ai toujours pas changé mes plaquettes à gauche et je bouffe le disque…
Je retiendrai la polenta offerte à un ravito sauvage.
ETAPE 7 Last but not least !
Dernière étape, j'ai très mal dormi à Ollomont. Dortoirs trop petit pour tous, brassage incessant de par les coureurs ou une bénévole qui prend un peu trop à cœur son boulot de G.O. Je repars mais suis crevé, je dormirai d'ailleurs 2h00 complète au refuge Champillon, seul dans un dortoir.
J'ai lâché la diététique : un petit verre de rouge avec du fromage local pour le moral. L'étape est encore longue, et je vais le payer dans certain cols, mais ça fait vraiment du bien par où ça passe… A chaque ravitos je me lâche. Produits locaux. Ya bon !
J’espérais faire une sieste avant d'attaquer le dernier col à Saint Rhemy. Rien de prévu, alors je repars. Sapin quant à lui aura dormi dans l'ambulance. Je vous rassure tout de suite, non seulement il finira la course, mais en plus il fera une énorme perf: 25ème au général! Je ferai mon dernier micro dodo au milieu du col, 20 minutes dans les alpages, abrité du soleil et du vent. Je suis bien. Un peu à l'ouest au réveil mais ça retape pour au moins 6 heures.
Dernier col : Malatra (2934m). Tout se chamboule dans ma tête. Le plus beau col. Une petite brèche sur le Mont Blanc. C'est fini. Plus que, encore, 13km et 1700m de descente. Vues exceptionnelles, couleurs roses de fin de journée sur le Mont Blanc. Passage par le refuge Bonatti. Je n'ai plus aucune douleur. Un grand vide commence à s'installer en moi. L'arrivée. Pas d'émotion. Je l'ai imaginée 100 fois, en pleurant, en riant, en répondant aux questions, en courant, pieds nus. Là, rien. Je passe la ligne. C'est fini. Ça ne fait que commencer dans ma tête. Il va falloir mentaliser, réaliser, comptabiliser, raconter.
Les blessures
Rien de grave réellement. J'écris ce texte moins d'une semaine après l'arrivée et déjà j'ai des fourmis dans les jambes pour sortir courir ou rouler à vélo. Juste laisser le temps au quadri de se retaper.
Avec un peu de recul, j'ai même eu beaucoup de chance: une simple contracture et par la suite une tendinite. C'est simplement le corps qui dit « Et grand, t'en a pas marre de me tirer dessus comme ça ? » Alors oui, je suis un peu frustré. Frustré d'avoir couru dans les 50 et de finir dans les 100. Mais à quoi bon ? Il y a toujours un plus rapide et un plus lent que sois. Ici, j'ai donné le maximum qu’à ce moment de ma vie je pouvais donner. En revoyant les temps de passages, il y a des dizaines d'endroits ou j'aurai pu gagner dix minutes, une heure etc. Mais j'aurai aussi pu en perdre beaucoup plus en me blessant plus gravement ou en faisant l'impasse sur un ravito et en essuyant une grosse défaillance par la suite.
Au rayon blessure, il faut ajouter l'état des articulations des membres inférieurs à la fin de l'épreuve : cheville, et genoux triplent de volume et ne plient plus avec la même aisance. Quelques jours de repos et tout revient à la normale.
C'était la grosse question du départ : comment allons gérer les temps de repos ? Autant de tactiques que de coureurs. On relève pourtant 2 ou 3 grandes écoles :
- Ne pas dormir, on verra jusqu'où on peut aller ?
- Gérer la course par étape et bien dormir chaque nuit.
- Suivre un rythme régulier et dormir toutes les x heures de courses, quel que soit l'endroit.
Pour ma part : aucune idée à l'avance. Et même au cours de la première étape, les plans ont changés : « je ne m'arrête pas la première nuit », suivi de « j'abandonne au ravito » puis par « je me repose et on verra ci ça va mieux dans quelques heures. »
D'après Alain Roche, il est possible de dormir 20 minutes toutes les 6 heures à partir de la 16ème heure de course.
Si j'additionne les temps de pose à toutes les bases vies, j'arrive à 24h24' de repos. A priori je n'ai pas dormi réellement la moitié de ce temps. Entre les repas, les douches (que du bonheur), et la logistique de sac (enlever les trucs humides et changer le matos pour la nuit/jour). A cela il faut ajouter les micros siestes de 20 minutes qui sont à mon avis beaucoup pus bénéfiques que les repos aux bases vies en général assez bruyantes. J'ai du faire 5 ou 6 micro sieste: 3 heures de repos en plus.
Je pense avoir réellement dormi une vingtaine d’heure sur la semaine.
Avec le recul, en forme au niveau digestif et avec une grosse motivation, je pense que 20 minutes toutes les 6h00 après la seizième heure de course est réalisable.
Sensations
Voilà, c'est fini pour le résumé de la course. Probablement un peu technique. J'ai essayé de faire passer quelques émotions. Pourtant au delà de toutes les émotions vécues en direct, c'est maintenant qu’elles sont les plus fortes . Quand on y repense, quand on cherche au fond de soi ce qu'il reste de tout ça. Car la vraie question est la : mais à quoi ça sert ? Je n'ai pas la réponse. Je pense que nous cherchons à être fiers de nous. A exister. A être différent des autres. Ce qui compte le plus, ce n'est pas tellement le résultat à l'arrivée, ni même le fait d'arriver, c'est tout le chemin parcouru en amont. Certes, c'est plus valorisant de finir, on se sent mieux. Mais pour moi, ce qui compte c'est tout le reste. On n'arrive pas dans une course comme celle-là par hasard. Je n'ai vu personne qui n'avait pas sa place dans ce TOR : pas de place pour les mythos ou les frimeurs. Peut-être un ou deux, et encore, ils ont très vite sautés au premier ravito. A aucun moment je ne me suis dit pendant la course, mais qu'est-ce qu'il fout là ce Charlot ? Par contre je mes suis parfois demandé ce que moi, je faisais là ?
C’est pour moi le résultat de plus de 6 ans de vie à la montagne. Des centaines d'heures passées sur les peaux de phoques en rando à ski ou sur les sentiers de Savoie, Haute Savoie, Corse, Pyrénées, Argentine, Norvège et autres.
Il me reste toutes ces heures d'entrainements : pas toujours envie d'y aller. Mais on y va quand même, car sans ça on sait que ce n'est pas la peine d'aller en Italie en septembre.
Il me reste tous ces échanges de mails et coups de téléphone avec mon coach, Alain Roche que je remercie. Sans lui, je ne pourrai pas parler de ce TOR au passé. Merci.
Il me reste tous ces coureurs rencontrés : pas d'amitiés de 20 ans, juste de bons moments passés avec des gens sains, qui partagent la même passion pour la montagne. Je pense surtout au groupe des Célestes que je ne connaissais pas. Merci à Isa pour l'organisation. J'ai passé une étape avec elle, que du bonheur. Très positive. Ça fait avancer en ayant moins mal aux jambes. Merci à Mercator pour tout le travail de préparation des cartes et des itinéraires. Luc, avec qui j'ai passé les cols les plus hauts du TOR. Tif et Tondu. Bon apéro ensemble la veille. J’espère qu'ils iront au bout une autre fois. Le Gecko, le Rameur et les autres que je n'ai pas encore appris à bien connaître. Et puis les mutants : ceux du groupe : Wouter (Il a fait les étapes 1, 2 et 3 d'un coup (soit un UTMB complet) avant de s'arrêter et dormir à chaque base vie. Il est resté 16h00 à une base vie avant de partir le lendemain matin et battre le scratch. Raison : il s'entraîne. Il part pour l’Himalaya Sky Race), Renaud, Yvan, Sapin. Et ceux que nous avons la chance de rencontrer sur nos lieu de compétition : Guillaume Millet, Corine Favre, Ulrich Gross etc. C’est une des rares discipline où amateurs et professionnels se côtoient de manière si proche. Quelqu'un a-t-il déjà discuter avec Fédérer, Schoumi ou Armstrong?
Il me reste tous les bénévoles (1200) qui tout au long du parcours nous ont aidés, encouragés, soutenus. Nous n’avons réellement eu que notre course à gérer. A chaque base vie nous étions pris en main,.., de maître, avec un seul objectif pour eux: nous remettre en selle. Chapeau!
Merci mille fois à l'organisation pour ce sans faute !
Merci surtout à ceux qui m'ont soutenu out au long de la semaine. Je viens de compter, j'ai reçu une centaine de sms pendant la course. Enorme. Chaud aux aisselles à chaque fois. Merci.
Merci à Carole qui me soutient à chaque fois. Qui me passe mes humeurs d'avant, de pendant et d'après course.
Elle me fait aller plus loin à chaque fois.
Il y a beaucoup de choses écrites concernant les limites. Ce que je retiens de ce TOR, c'est que je ne connais toujours pas les miennes...
Mike